Le code de l'environnement encadre l'indemnisation de ce qu'on appelle les dégâts de gibier. Aux espèces citées ci-dessus, il convient encore d'ajouter le daim, le cerf sika, le chamois (Alpes), l'isard (Pyrénées) et le mouflon. Un agriculteur dont les champs ont été saccagés par une ou plusieurs des espèces concernées, s'il estime que ses cultures nécessitent une remise en état ou que les dégâts vont entraîner une perte de ses revenus, est en droit de réclamer une indemnisation à la fédération départementale des chasseurs
de son département.

Histoire & origine du système d’indemnisation

1968

La loi de finances du 27 décembre 1968

a réformé le code rural en profondeur et a supprimé le droit d’affût, obligeant les chasseurs à payer les dégâts liés au grand gibier. À cette époque, le budget du Conseil Supérieur de la Chasse, ancêtre de l’ONCFS, était alimenté par les versements des chasseurs. En parallèle de la réforme d’indemnisation, le plan de chasse institué en 1963 avec un caractère facultatif, est devenu obligatoire en 1979.

2000

La loi du 26 juillet 2000

a transféré la charge de l’indemnisation de l’ONCFS aux FDC, sans transférer les fonds équivalents. Cette nouvelle mission, ainsi que d’autres (formation, guichet unique, etc.) ont confirmé la nécessité de maintenir la cotisation obligatoire aux fédérations pour les chasseurs et les territoires de chasse.

2005

La loi sur le développement des territoires ruraux

Au-delà de la définition du concept d’équilibre agro-sylvo-cynégétique qu’elle énonce pour la première fois, elle vient préciser un grand nombre de modalités aussi bien en matière de plan de chasse que pour la procédure d’indemnisation des dégâts (cadrage de barèmes via des fourchettes nationales, ressources financières, responsabilisation financière de l’agriculteur en cas de réclamation disproportionnée, etc.)

2009

La circulaire du 31 juillet 2009

a lancé le plan national de maîtrise des populations de sangliers, premier signal envoyé par les pouvoirs publics à propos de ce gibier.

2012

La loi du 7 mars 2012

a révisé un certain nombre de conditions générales à l’indemnisation et introduit la notion de parcelles culturales. Le décret d’application de 2013 vient rappeler l’importance de la prévention des dégâts.

2019

2La loi du 24 juillet 2019

dite loi chasse généralise la contribution territoriale sur laquelle repose l’indemnisation des dégâts de gibier. Elle a pour objet de taxer les titulaires de droit de chasse sur les zones à forts dégâts. Cette contribution est ainsi réglée par les territoires de chasse, c’est‑à‑dire les sociétés de chasse privée, les ACCA, les propriétaires chasseurs, et donc indirectement par tous les chasseurs.

Quand peut-on demander à être indemnisé et comment en faire la demande ?

Il faut que les dégâts aient été causés sur des cultures et/ou récoltes agricoles, par des espèces de grand gibier ne provenant pas de son propre fonds ; que le montant des dommages soit supérieur à un minimum (% de surface et montant). La FDC du département où se situe la parcelle instruira alors la demande d’indemnisation ; Après une phase d’estimation du dommage par des personnes formées et habilitées, le président de la FDC proposera à l’exploitant agricole une indemnité selon un barème départemental. Celui-ci est établi par la commission départementale compétente en matière de chasse et de faune sauvage, en fonction de valeurs fixées par la Commission nationale d’indemnisation des dégâts de gibier.

Assemblée Générale exceptionnelle spéciale dégâts de gibiers les 22 et 23 octobre 2019

Un véritable état des lieux partagé en tenant compte de la diversité des situations.

Au vu de l’augmentation significative des dégâts de sangliers à l’été 2019 et de la difficulté pour certaines fédérations de continuer à payer les indemnisations, cette assemblée générale qui s’est tenue les 22 et 23 octobre 2019 à Paris – introduite par le ministre de l’Agriculture de l’époque Didier Guillaume, et conclue par Emmanuelle Wargon, Secrétaire d’État auprès du Ministre de la Transition écologique et solidaire – était nécessaire. Elle a permis d’établir un véritable état des lieux partagé en tenant compte de la diversité des situations. L’objectif était de creuser collégialement, avec toutes les fédérations, différentes pistes sur la problématique des dégâts de grand gibier pour imaginer une réforme durable du système d’indemnisation.

Un vrai dialogue avec les organisations agricoles représentées s’est ouvert lors de cette assemblée générale extraordinaire en 2019 : Christiane Lambert, Présidente de la Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles, Loïc Quellec, Vice-Président des Jeunes Agriculteurs, Jean-Michel Granjon représentant de la Confédération Paysanne, Lydie Deneuville, 2é Vice-Présidente de la Coordination Rurale et Pascal Ferey, membre du bureau de l’Assemblée Permanente des Chambres d’asAgriculture, ont répondu présents à l’invitation du président Willy Schraen.

L’indemnisation des dégâts représente une enveloppe de 80 millions d’euros par an payée intégralement par les chasseurs quand 30 % des territoires ne sont pas ou peu chassés. Ce qui appelle une responsabilité financière élargie à d’autres acteurs
Willy Schraen, Président de la Fédération nationale des chasseurs (FNC)

Lors du vote des résolutions, les Présidents de fédérations ont apporté un soutien franc et massif (98%) pour donner mandat au Bureau et au Conseil d’Administration de la FNC pour réformer le système, tout en conservant sa mission de service public. De plus, les Présidents de fédérations ont souhaité disposer d’une boîte à outils sangliers qui prévoit de nouvelles mesures de gestion en vue d’une réduction réelle et significative des populations de sangliers.

Un constat unanime : plus de sangliers et moins de chasseurs

La tendance sur le long terme est nette et sans équivoque depuis l’instauration du système d’indemnisation dans les années 70 : les indemnités versées aux agriculteurs ont été multipliées par 10 en 45 ans avec un tableau de chasse sanglier multiplié par 20. Les indemnisations des dégâts commis aux cultures agricoles dûs au sanglier représentent 85% des montants. Parallèlement, en presque 30 ans, on observe une baisse de 30% du nombre de chasseurs alors que les indemnisations durant la même période ont été multipliées par 3 ce qui induit un coût relatif moyen par chasseur français qui lui a été multiplié par 5 !

Progression des sangliers : des facteurs externes à la chasse

Plusieurs facteurs externes à la chasse expliquent cette dynamique forte de la population de sanglier. Ainsi le réchauffement climatique induit une baisse de mortalités des jeunes en hiver avec la diminution du nombre de jours avec de fortes gelées et/ou de neige ; Le retour de bonnes années en termes de fructifications apporte une nourriture abondante au sanglier, facilitant ainsi la reproduction. Les taux de reproduction progressant, la dynamique générale ne peut être qu’à la hausse d’autant plus que, dans un grand nombre de secteurs, les populations de sangliers bénéficient de nombreuses cultures agricoles leur apportant à la fois nourriture et refuge, tout au long de l’année.

Un sanglier qui nage dégâts de gibier

En France, la progression des dégâts est notable et quasi générale même si les niveaux restent disparates : le Centre et Nord-Est restent les secteurs avec les indemnisations des dégâts les plus fortes ; Le Sud de la France n’est pas en reste dans un degré moindre avec des dégâts sur vigne inconstants et les niveaux de prélèvements de sanglier sont également variables. Si on regarde à une échelle plus fine, on s’aperçoit que 15% des communes représentent 85 % des indemnités versées.

52 500 dossiers ouverts

Pour la saison 2019-2020, plus de 52 500 dossiers ont été ouverts sur 80 départements alors qu’en 2014-2015, seuls 37 500 dossiers avaient été ouverts ce qui représente une progression de 40% dont 15% de plus par rapport à la saison 2018-2019.

Les surfaces indemnisées pour remise en état ont explosé ce printemps 2019 avec près de 4600 ha pris en charge. Ce chiffre, encore jamais atteint, est supérieur de 15% au précédent chiffre record. Enfin, les évolutions de demandes d’intervention d’experts nationaux ne font que confirmer cette tendance haussière avec 30% d’augmentation cette année.

Une gestion continue

Suite à une enquête réalisée auprès des FDC sur les dépenses en 2017-2018, la part importante des frais induits par la gestion – 30 millions d’euros sûrement encore sous-estimée – est soulignée par toutes les fédérations. La charge est très importante et phagocyte souvent les équipes qui ne peuvent se consacrer à d’autres missions. Afin d’optimiser les prélèvements là où il est urgent d’agir, une réflexion a donc été amorcée sur des dispositifs et nouveaux outils qu’il serait intéressant de mettre à disposition des Présidents de FDC.

Constat de dégats de gibier

Durant 30 ans, c’est l’Office National de la Chasse (ONC devenu ensuite Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage – ONCFS) qui s’occupait de cette gestion. Il disposait pour cela de ressources étatiques (de l’ordre de 20 millions d’euros par an). Aujourd’hui, la question de la prise en compte de ces frais de gestion se pose : les systèmes d’indemnisation au-delà de nos frontières sont divers.

  • Ainsi en Allemagne, en Espagne, en Hongrie, en Italie et en Roumanie, l’indemnisation est directement mise en œuvre par le responsable des dégâts.
  • En France, au Portugal et en Slovénie, la fédération des chasseurs joue un rôle d’intermédiaire et assure la mise en place du système d’indemnisation.

Enfin, il faut noter le paiement par l’État des dégâts dans les zones en réserve non chassées dans plusieurs pays comme en Espagne, en Italie, au Portugal, en Roumanie et en Slovénie. En France, le taux moyen de territoires non-chassés est évalué à 21%, auxquels il faut rajouter au moins 10% de territoires très peu chassés : se pose alors la question de la responsabilisation financière de ces territoires favorisant les populations de sangliers. De plus, les phénomènes d’abandon et d’enfrichement d’un nombre croissant de terrains servant de zones de refuge aux sangliers ont également été évoqués lors de cette Assemblée Générale exceptionnelle.

2023 :  l’année de toutes les concrétisations

C’est sur le stand du ministère de l’agriculture au salon international de l’agriculture, le 1er mars 2023 qu’ont été signés l’accord sur les dégâts de grand gibier avec le monde agricole et le protocole d’accompagnement par l’État. Cet accord est dans le prolongement des discussions qui ont débuté en 2019 dans le cadre de l’Assemblée générale extraordinaire. Le ministre de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire, Marc Fesneau, et la secrétaire d’État de l’époque chargée de l’Écologie, Bérangère Couillard ont signé avec le Président de la FNC, Willy Schraen, le protocole qui voit officialiser le soutien financier souhaité par le Président de la République aux Fédérations des chasseurs à hauteur de 80 Millions d’euros dont 20 M€ pour le plan de résilience 2022 et 60 M€ pour l’accompagnement sur 3 ans (25 M€ pour 2023, 20 M€ pour 2024 et 15 M€  pour 2025).

Willy Schraen a signé cet accord avec le monde agricole représenté par l’ensemble des syndicats agricoles et Chambres d’Agriculture de France (Christiane Lambert, Présidente de la FNSEA, Thierry Chalmin, représentant de Chambres d’agriculture de France, Véronique Le Floc’h, Présidente de la Coordination rurale, Nicolas Girod, porte-parole de la Confédération paysanne).

L’objectif de ces accords est de réduire de 20 à 30 %, d’ici 3 ans, les surfaces de dégâts de sanglier au niveau national.

Un accord à 3 volets

Cet accord se décompose en trois volets :

  • L’élargissement de la boîte à outils sanglier laissant une large place aux adaptations départementales et comportant une partie sur l’agrainage ;
  • Des points de simplification et de clarification de la procédure d’indemnisation dégâts ;
  • Un contrat d’objectif (résultats et moyens) et de suivi de cet accord.

L’accompagnement financier accordé par l’État est primordial pour le succès de cette ambition et cet accompagnement sur 3 ans doit servir à réfléchir à l’évolution du système d’indemnisation.

Ensuite s’est engagé une phase de travail avec le ministère de la transition écologique pour traduire en textes réglementaires ces accords.

Deux textes de loi ont donc été modifiés pour traduire les accords. Il s’agit de l’arrêté de 1986 sur les procédés et moyens et la partie réglementaire du code de l’environnement (décret).

Les textes réglementaires traduisant ces accords ont été publiées, le 30 décembre 2023. Il s’agit d’un arrêté modifiant l’arrêté de 1986 sur les procédés de chasse et d’un décret modifiant le Code de l’environnement.

Auparavant, ces textes ont été votés favorablement lors d’un CNCFS (Commission départementale de la chasse et de la faune sauvage) avec un large consensus (18 voix pour, 3 voix contre et 2 abstentions). Ces textes sont ensuite passés en consultations publiques avec un bilan très favorable.

Le nouvel arrêté publié rétablit la possibilité pour les départements d’utiliser la chevrotine. Il permet également le tir, à poste fixe, du sanglier autour des parcelles agricoles, en cours de récolte. Le décret élargit la période de chasse possible pour le sanglier avec l’ajout des mois d’avril-mai pour protéger les semis avec obligation de mise en œuvre d’autorisations individuelles durant cette période. Il cadre la pratique de l’agrainage dissuasif qui est autorisée par la loi à la différence du nourrissage qui est interdit. Ces mesures complètent la « boîte à outils ».

En ce qui concerne la partie simplification-clarification sur la procédure d’indemnisation, c’est le décret modifiant le Code de l’environnement qui les fixe avec des précisions sur les missions des estimateurs (délais d’interventions, possibilité de contre-expertise…), sur le seuil d’indemnisations revenu à un seuil financier minimal unique de 150 € par exploitation et par année cynégétique, sans oublier l’impossibilité de recours contre les décisions unanimes du CDCFS FSDG (Commission départementale de la chasse et de la faune sauvage en formation spécialisée dégâts de gibier)  de moins de 3 000 €.

Enfin, le décret matérialise les engagements des parties prenantes en matière de suivi des mises en œuvre et des résultats sur le niveau de dégâts en confiant cette mission de surveillance à la Commission départementale administrative paritaire (chasseurs-agriculteurs).

Une boite à outils sanglier

Dans le détail, la nouvelle boîte à outils sanglier est instituée par cet arrêté avec des modifications au-delà des possibilités existantes dont le piégeage. Les Fédérations départementales des chasseurs pourront choisir de mettre en œuvre telle ou telle mesure adaptée à leur contexte et lorsque nécessaire :

  • extension de la période de chasse au sanglier au deux mois avril et mai sur autorisations et préférentiellement à l’approche ou affût (décret) ;
  • usage de la chevrotine pour les départements « présentant des formations de forte densité végétale ou des secteurs à densité importante en matière d’infrastructures ou de constructions ne permettant pas toujours les tirs sécurisés par balle » (arrêté 1986), en clair maquis et zone péri-urbaine. Une enquête va être lancée pour connaitre de manière définitive quels sont les départements qui veulent bénéficier de cette possibilité sachant qu’un arrêté ministériel triennal instituera la liste des départements concernés ;
  • tir autour des récoltes ou sur point d’appât, (arrêté de 1986), deux possibilités nouvelles données pour le sanglier par rapport à l’impossibilité précédente d’utilisation à la chasse d’engins à moteur et l’interdiction de chasse à l’agrainée.
  • agrainage dissuasif encadré sur le plan national (décret) ; Le schéma départemental de gestion cynégétique fixe les conditions de recours à l’agrainage dissuasif conformément à l’article L. 425-5. L’agrainage dissuasif devra respecter les conditions suivantes (au plus tard au 1er juillet 2024) :
    • Un contrat d’engagement individuel entre la Fédération départementale des chasseurs et la personne qui souhaite recourir à l’agrainage dissuasif ;
    • L’agrainage est linéaire et dispersé, sauf exception prévue par le schéma départemental de gestion cynégétique ;
    • La quantité maximale à distribuer ne peut pas dépasser 50 kg pour 100 hectares boisés par semaine ;
    • L’agrainage a lieu au plus deux jours fixes par semaine ;
    • L’agrainage est suspendu du 15 février au 31 mars sauf avis conforme de la CDCFS ; la notion d’avis conforme indiquant que le Préfet devra obligatoirement suivre cet avis de réduction ou de suppression de cette suspension.

Vous avez des questions concernant les dégâts de gibier ? Vérifiez que notre FAQ n’y réponde pas. Sinon, n’hésitez pas à nous contacter.

  • Emmanuelle Wargon, secrétaire d'Etat au ministère de la transition écologique

    Emmanuelle WARGON, secrétaire d’État au ministère de la transition écologique

    « L’augmentation des portées de sanglier et les dégâts de gibier (…) engendrent une situation difficile. Ce statu quo n’est pas tenable pour les chasseurs et les agriculteurs. Nous savons bien que la lutte contre le réchauffement climatique qui cause ces dérèglements est un enjeu fondamental. Au-delà, il est essentiel que nous puissions établir un diagnostic partagé et mener une réflexion commune. Ensemble, nous trouverons des solutions. »

  • Christiane LAMBERT, Présidente de la FNSEA

    Christiane LAMBERT, Présidente de la FNSEA

    « Je salue votre souhait de faire vivre le dialogue entre les acteurs de la ruralité. Rien ne doit pouvoir nous éloigner. L’urgence de la régulation est renforcée par la menace de la peste porcine africaine aux portes de notre territoire. Je tiens à saluer les efforts considérables de protection et d’éradication des sangliers assurés par les chasseurs, avec le soutien actif de la FNC, de l’ONCFS et du ministère de l’Agriculture. Nous devons (…) améliorer le dispositif d’indemnisation pour éviter que chaque partie ne soit soumise à des tensions économiques insupportables. L’État doit prendre ses responsabilités. »

  • Alain Péréa, député de l’Aude, président du groupe chasse et territoires à l’Assemblée

    Alain Péréa, député de l’Aude, président du groupe chasse et territoires à l’Assemblée nationale

    « Au sujet des dégâts de sangliers, je souhaite rappeler que nous sommes à la fin d’un cycle. Le mode de fonctionnement actuel ne peut pas perdurer. Nous avons tous une part de responsabilité dans le changement du système pour éviter une situation dramatique dans quelques années. Nous devons également chasser un certain nombre d’idées reçues, l’une d’elle consiste à considérer la chasse comme un métier (…) Il n’est pas possible d’imposer aux chasseurs un nombre de jours de chasse par semaine ou par mois ainsi qu’un niveau de résultat (…) Les chasseurs et les agriculteurs doivent s’accorder sur un plan de gestion du territoire et de l’habitat afin de bien gérer la question des populations de sangliers. »


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