
Accident de chasse :
un tireur, plusieurs responsables
La sécurité doit être garantie de sorte à prévenir les atteintes à l’intégrité et à la vie, peu important la bonne foi des éventuels auteurs d’accident (I). Par ailleurs, la responsabilité pénale ne saurait se limiter au seul auteur du tir accidentel, les tiers investis de missions (II) et associations organisatrices (III) devant également en répondre.
Responsabilité du tireur
Le tireur est pénalement responsable s’il agit imprudemment ou en contradiction avec les normes de sécurité et qu’il n’a pas accompli les démarches de sécurité pouvant légitimement être attendues de lui.Article 121-3 alinéa 3 du Code pénal
Un chasseur tire un bouquetin qu’il prend pour un chamois : il est responsable pénalement. Sa confusion ne peut le disculper : il a l’obligation d’identifier l’animal visé avant de le tirer et, en cas de doute, de s’abstenir (Crim., 20 mars 2001, n°00-87.439).
Responsabilité des autres protagonistes
- Quelles fautes engagent la responsabilité pénale d’autres personnes ?
La personne qui n’a pas tiré mais a favorisé la survenance du dommage en violant délibérément une norme de sécurité ou en exposant autrui à un risque d’une particulière gravité qu’il ne pouvait ignorer est pénalement responsable.Article 121-3 alinéa 4 du Code pénal
- Faute délibérée
Le chasseur qui, posté à 43 m d’une maison, (au lieu des 50 m requis par arrêté préfectoral), a tiré sur un chevreuil, qu’il a manqué, la balle étant allée se ficher dans la carrosserie d’une voiture garée près de cette maison et à proximité d’enfants occupés à jouer, n’est pénalement responsable que s’il a violé l’arrêté de façon manifestement délibérée (Crim. 16 oct. 2007, no 07-81.855).
- Faute caractérisée
Le responsable d’une battue de chasse au cours de laquelle un chasseur a trouvé la mort, a, en laissant la victime se poster à un endroit inhabituel et où la visibilité était mauvaise, commis une faute caractérisée qui exposait la victime au risque, qu’il ne pouvait ignorer (Toulouse, 15 févr. 2001).
- Quelles personnes peuvent voir leur responsabilité pénale engagée ?
1. L’organisateur de la chasse
Les juges sont d’indulgences variable selon les circonstances.
Cour d’appel de Rennes, 23 juin 2010, n°09/01084
Après de premières opérations d’une battue aux résultats décevants, une nouvelle traque est « improvisée » sans que les chasseurs aient reçu de consignes précises sur l’endroit où ils devaient se poster. Les chasseurs se postent de façon informelle, puis tirent. L’un d’eux est mortellement touché à la tête. La Cour d’appel de Rennes juge qu’il ne saurait être reproché à l’organisateur de la battue de ne pas avoir renouvelé le rappel au départ de la seconde traque, des règles de sécurité évidentes et nécessairement connues des participants à la battue, tous titulaires du permis de chasse, et qui ne pouvaient pas les avoir oubliées en l’espace de quelques heures. L’organisateur ne pouvait pas prévoir un tel comportement et ne peut répondre de tous les faits et gestes d’autrui.
Crim., 28 juin 2017, n°16-85.291
Un chasseur convie un membre de sa famille à se joindre à une chasse. L’invité n’est pas francophone. Le directeur de la chasse lui fait signer la feuille de consignes de sécurité sans s’assurer de sa compréhension suffisante, se reposant sur le fait qu’il était accompagné d’un chasseur expérimenté. Un tir mortel de l’invité atteint un autre chasseur. Le directeur de la chasse est jugé pénalement responsable : l’association lui avait confié un rôle d’organisation, le chargeant notamment du rappel des consignes de sécurité, ce à quoi il a manqué.
2. Le représentant de l’association de chasse
Le président est en principe l’organisateur responsable du dommage survenu lors d’une chasse organisée par l’association. Si toutefois une autre personne était investie de ce rôle, il peut se voir exonéré de responsabilité pénale.
Toulouse, 15 févr. 2001
N’est pas responsable le président d’une société de chasse resté étranger à l’organisation d’une battue au sanglier au cours de laquelle un chasseur décède s’il avait délégué à un autre la charge de l’organiser. La délégation en question, quoique verbale, était valable et transmettait bien au délégataire la responsabilité de l’organisation de cette action de chasse collective.
Le principe de délégation entraîne donc l’exonération de responsabilité pénale du représentant en tant que personne physique.
3. Responsabilité de l’association
L’association qui a confié la direction d’une chasse à une personne est responsable de l’accident survenu du fait d’un manquement aux règles de sécurité dont cette dernière est le garant, y compris lorsque le chasseur chargé de diriger la battue se trouve également être l’auteur du tir accidentel.
Crim. 8 mars 2005, no 04-86.208
Un tir d’un chasseur chargé par l’association de diriger la battue provoque le décès d’un autre chasseur. La Cour juge que le chasseur à l’origine du tir n’est pas seul responsable, d’autres éléments ayant favorisé la survenance du dommage. La traque avait, en l’espèce, été sonnée en méconnaissance des consignes de sécurité diffusées par l’Office national de la chasse. Or l’intéressé ne pouvait pourtant pas ignorer qu’en présence de balles à fort pouvoir de pénétration, sa carence exposait les participants à un risque d’une particulière gravité. L’association, dès lors qu’elle organisait la battue et avait chargé l’intéressé de la diriger pour son compte, est conséquemment pénalement responsable du dommage survenu.
Le principe de représentation entraîne ici l’extension de la responsabilité pénale à l’association en tant que personne morale.
Cumul des responsabilités
Article 121-2 dernier alinéa Code pénal : « La responsabilité pénale des personnes morales n’exclut pas celle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits ».
Cette possibilité de cumul des responsabilités explique que dans les arrêts susmentionnés, la responsabilité pénale du tireur ou de l’organisateur n’ait pas fait obstacle à l’engagement de la responsabilité pénale de l’association elle-même.